Présentation

Ancien parlement Somalien


Aujourd’hui la Somalie est un pays où les mots tel que piraterie, guerre civile, famine et pollution s’y rattachent. Victime de stéréotypes, nous oublions les avantages que cet État possède ; un sous-sol  riche en pétrole, une mer abondante en poissons et fruits de mer et une position géographique avantageuse pour le commerce maritime. Les pays occidentaux ont transformé cette parti de la corne de l’Afrique en « poubelle géante » en déversent des substances toxiques sur les côtes Somaliennes et pratique la pêche illégale non-déclarée et non-réglementée depuis la chute du gouvernement en 1991 sous le mandat d’Ali Mahdi, depuis la Somalie est en guerre ce qui provoque l’instabilité du pays.



Vue de l'ancien parlement somalien aujourd'hui


Mon départ




« Mesdames et messieurs notre compagnie vous souhaite la bienvenu à bord du Airbus 330 d'Air France à destinations de l’aéroport international de Djibouti. Veuillez attacher et ajuster votre ceinture de sécurité. Nous vous souhaitons un agréable vol. »
Nous allions bientôt décoller, le visage tourné vers le hublot,  je repensais à la façon d’ont j’étais arrivé à m’embarquer dans un tel voyage. Il était 06 : 58 du matin, en me préparent pour aller au journal,  j’allumais la télé comme à mon habitude et mis la chaîne d’informations. J’entendis le reportage d’une journaliste qui attira mon attention « Le 26 décembre 2004 lors du tsunami qui ravagea les côtes Thaïlandaises, les côtes somaliennes récurent un arrivage de déchets toxiques. Cet événement fut totalement ignoré par les communautés internationales, ne se préoccupant pas de la détresse de la population somalienne. Est-ce la raison pour laquelle il aurait autant de pirates sur les côtes Somaliennes ? »
Il est vrai que cette question m’interpellait beaucoup aussi, mais je ne m’étais jamais réellement penché sur le sujet, et les déchets toxiques sur les côtes somaliennes restaient pour moi une découverte. Ce qui me mit hors de moi fut le fait que les communautés internationales ne se préoccupaient pas d’une telle histoire. Je décidais donc de consacrer une grande partie de mon temps libre à faire des recherches sur ses déchets. Après des jours et des jours de recherches sur le sujet, je proposais l’idée à mon éditrice qui cherchait de nouveaux thèmes pour le journal qui en temps de crise n’était pas au mieux de sa forme. Elle la refusa dans un premier temps car la Somalie restait pour elle un pays avec peu d’avantages et à trop haut risque pour les journalistes. Je lui exposais donc ma vision de l’article et sur quel sujet il portera sans oublier de parler des déchets toxiques, ce quil’intéressa. Après deux longues heures d’argumentation, elle me mit en relation avec un certain Mr. Humbert qui d’après elle me serait d’une grande aide, par la suite nous primes rendez-vous. Il me fallu attendre deux semaines pour le rencontrer. Cela me permettait donc d’approfondir de manière très spécifique mes recherches, pour pouvoir poser les questions qui pourraient me faire avancer lors de cet entretien.
 Nous nous retrouvâmes dans son bureau. Ce qui me marquait le plus était tout le bazar dans lequel il travaillait ; la paperasse était étalée sur son bureau et des livres cachaient les murs, j’avais l’impression de me retrouver devant un savant fou de la littérature. Toutes ses réponses aux questions que je lui posais étaient très organisées et précises."La Somalie a été utilisée comme une décharge pour des substances toxiques. Ces déversements ont débutés au début des années 90 et se sont poursuivis tout au long de la guerre civile qui a frappé ce pays. Les compagnies européennes estimaient que c’était très bon marché de se débarrasser des déchets toxiques pour un prix ridicule s’élevant a 2,50 dollars la tonne, alors que les déchets en Europe réclament des montants de plus de 1000 dollars la tonne".Cela justifiait la conversion des pêcheurs en pirate voulant protéger leurs cotes suite à la baisse de 75% de leur effectif.Il me parla aussi des conséquences de ses déchets, les différentes malformations des enfants,  les appareils uro-génitaux, les maladies de peau et des yeux. Mr. Humbert m’avait beaucoup éclairé sur la Somalie et plus particulièrement sur mon sujet, je lui étais très reconnaissant. Il me transmit quelques contactes qui me serait sans doute utiles et me souhaita bonne chance pour cette aventure peu ordinaire.  
En rentrant chez moi, je me mis devant un tas de feuilles blanches, pris un stylo et la carte de la Somalie. Il fallait que je fasse le point sur ce que j’allais chercher une fois là bas, les lieux primordiaux à visiter, appeler mes contactes en Somalie pour leur prévenir de mon arrivé car il me fallait un guide et faire le tri de toutes ces informations qui se bousculait dans ma tête. Au final je me rendis compte que toute cette histoire comprenait donc quatre grandes parties :
- Environnemental
- Sociale
- Politique
- Économique
Après une longue soirée de mise au point, je réservais mes billets pour la Somalie mais, je devais faire une escale à Djibouti à fin de pouvoir ensuite atteindre Mogadiscio, la capitale où allait débuter mon reportage.  Je repris contact avec l’un de mes confrères qui avait déjà été en Somalie pour l’un de ses documentaires, afin qu’il me fournisse les liens nécessaires pour mon projet.


 Nous décollions enfin ; il me restait donc 8 heures de réflexion et de repos avant que mon aventure ne commence réellement.

Lidaa

Je fus accueillit chaleureusement par un homme qui s’appelait Abdi lors de mon arrivé en Somalie. Abdi était le guide de Paul lorsque celui-ci était ici pour son documentaire. Il ne faudra pas que j’oublie de le remercier une fois rentré en France, car sans son aide j’aurais dû m’y prendre seul pour trouver un guide.Abdi avait une énergie débordante, il avait l’air d’aimer ce qu’il faisait. Son français était plutôt bien maîtrisé, il pouvait ainsi être mon interprète. A l’aéroport de Mogadiscio tout le monde me regardais ; j’imaginais qu’ils n’avaient plus l’habitude de voir des occidentaux arriver dans leur pays depuis que la guerre civile a éclatée, et je sentais que je n’étais pas le bienvenu.On pouvait voir la méfiance et l’agressivité dans leurs regards. Un chauffeur et quelques hommes armés m’attendaient à l’arrière d’un 4x4. La présence d’armes m’effrayait etme mettait mal à l’aise, mais Abdi m’expliqua qu’il était dangereux de se déplacer sans une escorte armée surtout pour nous journaliste, et finalement les armes me rassuraient. Une fois dans le véhicule, nous partions pour 17 heures de routes à travers le désert somalien en direction d’un petit village de pêcheurs : Lidaa.
Les heures passèrent, et personne ne disait un mot. Ce silence m’ennuyait, donc je décidai de prendre la parole en demandant aux hommes armés comment étaient leurs conditions de vies ici en Somalie, car elles me paraissaient très dures. Abdi fit la traduction, et un des hommes assis à mes côtés me répondit en disant très honnêtement que les occidentaux ont une vision très négative de la Somalie à cause de la guerre, mais que leur pays restais un pays de valeur à leurs yeux et que la vie des somaliens était certes dure mais sûrement moins que ce que les occidentaux veulent faire croire au monde entier. Il ajoutait aussi que chaque jours les somaliens se faisaient voler leurs richesses, et que leurs moyens de défense étaient très limités à cause de l’instabilité politique. C’est alors que je compris qu’ils étaient conscients de ce qu’il se passait à l’intérieur de leur pays comme à l’extérieur.
Paul Moreira a Lidaa
Nous traversions plusieurs petits villages qui se trouvaient sur notre route ; je remarquais que la famine décimait la Somalie et que les groupes armés islamistes ainsi que les pirates hantaient ce pays.
Les 17 heures passèrent et nous étions enfin arrivés à Lidaa.
Le village n’était pas abandonné, il y avait quelques familles très pauvres, leur seule richesse était le petit bétail qu’elles élevaient et qui parfois leur permettait de se nourrir. Un des villageois demanda à Abdi de le suivre jusqu'à la côte sans qu’on le lui demande. Il déclara qu’il savait pourquoi nous étions ici, car les seuls choses qu’il y ait à voir sont les citernes rouillées.Le nomade nous montra un vieux baril échoué sur la plage et il déclara qu’il était ici depuis 2005. « Cette citerne est remplie de poison. Si personne ne la prend, elle va se fissurer et le poison va se rependre » dit le villageois. Je lui demandais par le biais d’Abdi s’il savait qui avait jeté cette citerne, et il me répondit qu’il ne le savait pas et que personne ne le savais vraiment. L’homme ajouta que les côtes somaliennes n’étaient pas surveillées par des gardes, ce qui permettait a n’importe qui d’y déverser ce qu’ils voulaient.
Baril toxique sur les cotes de Lidaa
Je prenais en note tout ce que le villageois m’apprenait.
Je constatais que sur chaque côtés de la citerne il y avait un crochet solide ; ils facilitaient sûrement l’attache à une grue afin qu’il soit jeté par-dessus le bateau. Le baril était très solidement soudé. «  Il y a beaucoup de maladies dans le village ; des infections à l’œil, des maux de tête et des problèmes cardiaux. Un jour des hommes sont venus, ils ont recouvert le baril de fibres de verre et ils sont repartis. Leurs costumes orange nous effrayaient. Ils n’ont pas osé ouvrir ces barils car ils avaient peur pour leurs vies, ils ne voulaient pas prendre de risque» rajouta le nomade.
ONG a Lidaa
Il commençait à se faire tard et j’étais très fatigué. Nous décidions de passer la nuit à Lidaa, et de nous lever tôt le lendemain afin de reprendre la route pour Mogadiscio. Avant de me coucher, je réorganisais les informations que j’avais recueillies, et je constatai qu’il me fallait beaucoup plus de témoignages. Peu de temps après, une jeune femme nous apporta, aux hommes et à moi, un grand plat de riz et de viande, nous allions tous manger ensemble comme le veut leurs traditions. Lors du repas, je disais à Abdi qu’il fallait que je me rende à Hobyo, afin d’avoir plus d’informations  et de témoignages sur ce trafic, et Hobyo était réputée pour la présence pirate dans son port.

Nous finissions le dîner, et nous allèrent tous nous coucher.


Hobyo


Des mon retour a Mogadiscio, Abdi m'emmena dans un petit hôtel. Je prenais une chambre, puis je demandais a Abdi s'il pouvait essayer de me fixer un rendez-vous avec les chefs du villages d'Hobyo, et si possible avec un pirate également. Il me répondit qu'il allait faire de son mieux mais qu'il ne me garantissait rien. J'étais très perplexe, car c'était une certitude pour moi que les chefs du village, et le pirate allaient refuser ma proposition. Quel homme occidental était assez fou pour aller rendre visite a des pirates Somaliens ? Nous sommes leurs ennemis, et ils seraient capable de m'achever d'une minute a l'autre, mais je devais prendre le risque, car celai faisait partit de mon métier. J'attendais le retour d'Abdi, et pour faire passer le temps je relisais quelques une de mes recherches. Certaines phrases que je lisais me perturbaient :

" "Quelle est la valeur d'une vie somalienne?", avait demande au journaliste un avocat de la défense Florent Loyseau de Grandmaison.
-"Voisine de zéro", a répondu le journaliste.
-"Et la valeur d'une vie occidentale en Somalie?"
-"Enorme. Le plus souvent les armateurs paient les rançons après les avoir négociées.  Quelques 700 marins sont actuellement retenus en otages, pour la plupart philippins, sri lankais... qui valent donc moins chers que les Occidentaux."
-L'avocat de poursuivre "Et combien vaut un Somalien désarmé?"
-"Moins que zéro."
                                              -Journal 20 minutes

3 heures plus tard, l’on frappa à ma porte, c’était Abdi.  Je voyais le sourire sur son visage, et devinais ainsi qu’il avait obtenu mon rendez-vous. Il me dit que notre pick-up nous attendait à l’entrée de l’hôtel, et que nous devions partir maintenant afin de pouvoir atteindre Hobyo avant le coucher du soleil. Le trajet qui nous attendait  n’était pas long comparé à celui de Lidaa, il ne suffisait que d’une heure et demie avant d’atteindre la ville pirate. Je savais déjà ce que j’allais demander aux chefs du village et aux pirates, j’y avais déjà longuement pensé la veille.
Une fois arrivé, cinq hommes nous attendaient Abdi et moi dans une petite maison en pierre. Deux d’entre eux étaient les chefs du village, tandis que les trois autres étaient des pirates. Une fois installés, je commençais par leur demander quel danger représentait ces déchets toxiques pour eux. Un des chefs me répondit en anglais, qui était pour moi facile à comprendre, que ce trafic est coupable du grand nombre de mortalités somalienne après la famine qui ravageait déjà cette population. Ces déchets étaient extrêmement nocifs pour leur santé car tous les enfants sont victimes de malformations, de cancers, d’un mauvais développement de l’appareil uro-génital, et de maladies de la peau et des yeux.  Dans ma tête je me disais qu’il serait intéressant d’aller visiter l’hôpital de Mogadiscio pour réellement  voir l’impact de ces déchets sur la population.
Un des pirates pris la parole en disant qu’il n’avait jamais voulu devenir ce qu’il est aujourd’hui, et qu’il fallait accepter cette conversion, car en tant que Somalien il se devait d’agir comme il le peut pour protéger son pays du pillage occidental, et que tout cela rendait encore plus dur leur vie qui l’était déjà. Le pirate accusait le gouvernement  d’avoir fragilisé la Somalie. Pour ce qui concernait la politique, les hommes me conseillèrent de me rendre à Villa Somalia, un bunker où siège le gouvernement somalien pour plus d’informations. Ensuite je leur demandais si une organisation humanitaire était déjà venue pour ces barils, l’un des chefs m’expliqua qu’en 2006, lorsque les conditions de sécurité le permettaient encore, une ONG est venue inspecter ces étranges citernes. Ils en découvrirent quarante, certaines contenaient des substances toxiques, d’autres étaient brisées par les vagues et leur contenu s’était dissous dans la mer. Les membres de l’ONG décidèrent de ne pas ouvrir ces barils, et de les recouvrir d’une simple couche de fibres de verre afin d’éviter d’éventuelles fuites, puis ils repartirent. Le chef ajouta que ces barils n’étaient pas identifiables, ils  présentaient ni numéro d’identification, ni nom d’entreprise, et à ce moment-là un des pirates l’interrompit brutalement en disant que tout cela était de la faute des occidentaux, qu’ils refusaient de les aider et qu’ensuite ils s’étonnaient de l’augmentation des pirates sur les côtes somaliennes. Tout le monde hocha leur tête à ces mots, même moi. Notre entretient venait à sa fin, et je remerciais les chefs d’Hobyo ainsi que les pirates de leur coopération, puis Abdi et moi nous remontions dans le 4x4 pour retourner à la capitale.


L’hôpital de Mogadiscio


Enfant victime
Lors de mon retour à Mogadiscio, j’allais visiter l’hôpital de la capitale afin de voir les dégâts que ces déchets ont sur la santé des habitants. Nous montions dans le 4x4 Abdi, et moi. Apres trente minutes de route, le véhicule nous arrêta devant un bâtiment c’était l’hôpital. Cette clinique n’étais pas dans un bon état et cela se comprenait, personne ne pouvait s’en occuper à cause de toutes ces guerres. Lorsque nous rentrions dans le lieu, un docteur nommé Ali Warsame, comme l’indiquait son nom sur sa blouse, nous accueilli en nous demandant ce que nous faisions ici. Le ton de sa voix était bas, et l’on sentait du pessimisme à travers celle-ci. Abdi lui répondit que nous aimerions voir les conséquences du trafic de déchets toxiques sur les patients de l’hôpital, et si possible leur poser certaines questions pour que je puisse réaliser mon article. Le docteur n’était pas contre notre proposition, et il nous demanda de le suivre. Dr. Warsame nous emmena dans une pièce où il y avait environ une quinzaine de patientes ; toutes des femmes avec leurs enfants. Elles étaient toutes muettes, et la plupart tête baissée. Entre leur bras, il y avait leurs enfants ; de pauvres petits enfants qui n’avaient pas plus de 7 ans. Je m’approchais d’eux et  je vis des blessures atroces.
Lorsque le docteur vit la pitié sur mon visage, il s’approcha et m’expliqua que le manque de matériel et de docteurs qualifiés représentait un problème à la guérison de ces pauvres victimes. J’étais offusqué par ce que je voyais tout autour de moi. Ensuite je décidais de m’approcher d’une des femmes et de lui parler. Je demandais à Abdi de bien vouloir venir près de moi afin de me traduire ce qu’elle disait. J’eus à peine le temps de lui parler qu’elle nous fit part de sa souffrance : son fils de cinq ans avait un cancer au cœur à cause des ondes des déchets, et des substances toxiques déversées dans leurs eaux. En disant ces mots elle me regardait dans les yeux, je sentais le désespoir à travers son regard.  Elle ajouta ensuite des mots qu’Abdi me traduisit, elle déclarait que tout le monde lui disait de garder espoir et de continuer de prier Dieu pour recevoir de l’aide, mais jamais personne n’étais venu pour toutes ces victimes somaliennes, et que tous (les occidentaux) étaient effrayés de mettre un pied ici à cause de la guerre civile. La jeune femme commençait à pleurer en disant que tous les soirs son fils lui demandait s’il allait retrouver une bonne santé ou s’il allait mourir, et qu’elle ne savait plus quoi lui répondre, la mère se contentait de le serrer fort contre elle.

Enfant victime
Peu de temps après ce troublant témoignage, le docteur venu à moi, et m’expliqua que certains enfants urinaient par un trou proche de leur nombril car ces déchets empêchaient leurs appareils uro-génitaux de se développer correctement, tandis que d’autres étaient victimes de mal –formations ainsi que de paralysie. J’expliquais a la jeune mère qui venait de me faire son témoignage que je n’avais aucun pouvoir, mais que j’étais sur le point de réaliser un projet  sur ce désastre, et que je ferais tout pour que mon article de journal soit entendu dans les pays occidentaux. Aucune personne avec un cœur ne pouvait être indiffèrent face à ces terribles séquelles dues à un trafic illégal !
Je quittais l’hôpital avec l’image de la souffrance de ces femmes dans ma tête. Cette situation était scandaleuse.

De retour à l’hôtel j’informais Abdi que le lendemain nous devrions nous rendre dans le bunker Villa Somalia. Il me répondit que l’accès à ce lieu était très difficile, soudain je lui coupai la parole en déclarant que celui qui ne tente rien n’a rien. Il rigola et accepta de tenter l’expérience.

Villa Somalia


 Ce matin je fus réveillé par la forte voix d’Abdi qui frappait à ma porte en m’appelant. Il m’annonça que les hommes politiques étaient d’accords pour nous recevoir, mais qu’il devait passer un appel pour savoir à quelle heure se tiendrai notre entretient. Je me disais que ma journée commençait bien après la révélation de mon guide. Il quitta ma chambre en ajoutant qu’il m’attendrait dans le hall au rez-de-chaussée de l’hôtel. Je pris le temps de prendre une douche, de m’habiller, et de me munir de mon petit sac en bandoulière qui contenait mon bloc note et mon stylo avant de le rejoindre.  Une fois en bas je m’asseyais en face de lui, il parlait encore au téléphone. Je demandais un café à la femme de chambre, et me l’apporta peu de temps après. Il raccrocha le téléphone et m’annonça que notre rendez-vous avec le ministre Abdourahman Ibbi avait lieu dans moins d’une heure, et qu’il durerait deux heures. Je buvais mon café en cul-sec puis nous sortions de l’hôtel pour nous diriger vers notre pick-up qui nous attendait déjà.
Entrée de Villa Somalia
A l’arrière de la voiture il y avait encore ces hommes armés, mais cette fois elles étaient moins apparentes. Afin d’atteindre Villa Somalia, nous devions passer par deux barrages ; la sécurité était très pointilleuse, et heureusement pour moi que j’avais ma carte de journaliste dans mon sac pour justifier ma venue.  Lorsque nous nous rapprochions du bunker, deux gardes nous ordonnèrent de tous descendre du véhicule, et ils nous fouillèrent avant de nous laisser entrer Abdi et moi.
Villa Somalia n’étais pas comme les lieux de la Somalie que je voyais, Il y avait de la verdure, les bâtiments autour étaient entretenus. Et le fait que tout soit entretenu et surveillé montrait que cet endroit était important pour la Somalie, et que lorsque vous y avez mis les pieds, un pas de travers pourrait vous être fatal.
Une fois à l’entrée du bunker un des gardes nous ouvrit la porte et pria de nous asseoir durant le temps d’attente.
Villa Somalia
Trente minutes passèrent et un homme armé nous demanda de le suivre jusqu’au bureau du ministre. Abdourahman Ibbi était un homme très souriant, avec un bon anglais. Il nous invita à prendre place et à commencer l’entretient. Mes premières questions étaient simples ; je lui demandais ce qu’il pensait de la situation politique du pays, et des déversements de déchets toxiques. Il me répondait que les responsables politiques ne pouvaient rien faire pour leur nation à cause de cette forte instabilité, et que même si ils envisageaient une solution on les tuerait dès leur sortie de ce bunker, car les terroristes islamistes n’attendaient que ça, d’où le renforcement de la sécurité a l’entrée du bunker. Par rapport aux déchets toxiques, il déclara qu’il avait déjà essayé de joindre des ONG dont celle qui était venue en 2006, mais qu’aucune de ces organisations n’avait accepté de leur fournir l’aide nécessaire. Le ministre ajouta que ce monde était égoïste, et que le trafic de déchets toxiques en Somalie n’était jamais abordé pour que les gens s’y intéressent et fournissent du soutien. Je prenais tout en note, puis je remarquais que nous arrivions presque à la fin du délai accordé pour notre entretient, et que je n’avais encore rien appris de nouveau. Je déclarais au ministre que lors de précédentes recherches sur ce trafic, plusieurs fois revenaient des phrases qui parlaient d’un accord signé entre l’ex-président Ali Mahdi et le consul d’Italie en Somalie Scaglionne, qui permettait à une entreprise italienne nommée SHIPCO de déverser librement leurs déchets toxiques et radioactifs sur les côtes somaliennes contre l’importation d’armes. L’homme se braqua, face à cette réflexion, et commençait à se montrer agressif, puis il rétorqua que cela ne me regardait en aucun cas, et que nous devions quitter son bureau immédiatement. Je compris alors que cette histoire semait la terreur, et que les hommes politiques étaient forcés à se taire pour plus de sécurité. J’avais touché le point sensible de cette histoire : le trafic d’arme dissimulé sous ces déchets toxiques.

La réaction du ministre m’agaça, cette information m’aurait beaucoup aidée, mon retour pour Paris était prévu au surlendemain et je n’avais plus personne à contacter.Mon article était pratiquement fini mais la réponse à cette question si gênante pour le vice-ministre était encore incertaine et pleine de doute.  

"Frank" l'inconnu

 Il se faisait tard et je m’apprêtais à dormir lorsque soudainement mon téléphone sonna. C’était Abdi, il me disait qu’un soit disant « Frank » souhaitait me voir demain à quinze heures au café Assamo car il avait ce que je cherchais. L’homme n’en avait pas dit plus sur son identité à mon guide. J’acceptais son rendez-vous, je n’avais rien à perdre et je prendrais en note ce qu’il déclarerai si cela m’aidait à avancer.
Le lendemain matin j’étais prêt pour ma rencontre avec « Frank ». Abdi était avec moi ce matin-là, et il paraissait inquiet. Il me demanda de faire attention à moi, cet inconnu pouvait être dangereux, et il ajouta qu’il sera dans le pick-up avec le chauffeur pas très loin du lieu de rendez-vous, et je fus un peu plus rassuré.
Il était presque l’heure de mon rendez-vous, Abdi et le chauffeur me déposèrent au café. Le café Assamo se trouvait dans une ruelle vide, il y avait quelques vieux hommes installés en train de discuter et de boire une tasse de thé ou de café. Dès mon entrée dans le café, un homme assis seul à une table se leva, je compris alors que c’était « Frank ». J’allais vers lui et lui serra la main avant de nous asseoir. Une fois que nous étions assis il aborda directement le sujet de mon article. Il m’expliqua qu’il en avait entendu parler et qu’il pensait détenir des informations qui pourraient m’être importantes, avant d’ajouter qu’il avait peu de temps et qu’il se dépêcherait.
Accord signé entre Scaglionni et Ali Mahdi
« Frank » déclara qu’il travaillait pour la compagnie italienne SHIPCO il y a maintenant plusieurs années. Premièrement il confirma l’existence d’un accord signé entre l’ex-président somalien et le consul d’Italie en Somalie, permettant à l’Italie de déverser des substances toxiques sur les côtes Somaliennes en échanges d’armes. Deuxièmement  il me dit que la nature de ces déchets était diverse, on y trouvait des résidus radioactifs, d’uranium, de mercure, de plomb, mais aussi des métaux lourds comme le cadmium, ainsi que des déchets industriels, hospitaliers et chimiques. Il m’exposait également les différents symptômes dont étaient victimes les Somaliens : hémorragies abdominales et buccales, infections de la peau, et des cancers inexplicables. « Frank » ajouta que les Italiens ne se souciaient pas de la vie de la population somalienne, pour eux ce qui comptait le plus était de se débarrasser de ces déchets qui encombraient leur pays. Ce trafic de déchets toxique reste un scandale silencieux entre la Somalie et l’Italie. Il ajouta qu’aujourd’hui la plupart des complices niaient les faits. Ce qui me surprenait le plus était quand il me parlait de la Convention Bâle datant de 1992 qui disait que le commerce de résidus entre les pays signataires de l’accord, de même qu’aux pays qui n’ont pas signé le document, à moins d’un accord bilatéral négocié. L’accord interdisait aussi l’envoi de résidus dangereux dans les zones de guerre. L’inconnu affirma que l’ONU a trahi ses propres principes, et que l’organisation a fait la sourde d’oreille aux demandes somaliennes.  Il me parlait également le trafic de marchandises marines, plus de huit cent bateaux opéraient dans les eaux somaliennes, tirant profit de l’incapacité dans laquelle se trouvait le pays à surveiller ses eaux et ses zones de pêche. Tous ces vols s’élevaient à la somme de 450 millions de dollars, ce qui est un chiffre non négligeable.

Soudainement « Frank » se leva, il était temps pour lui de partir. Il me demanda si je connaissais Ilaria Alpi, puis je lui répondis que non, ensuite il ajouta qu’elle fut assassinée en Somalie car comme moi, elle mettait son nez dans des affaires dangereuses. C’est sur ces mots que l’homme me quitta.

Ilaria Alpi en Somalie

Retour à Paris


 Après le départ de "Frank" je restais seul au café, et je relisais toutes mes notes. Il commençait à se faire tard et il était temps pour moi de rentrer. Abdi m'attendait encore, toujours garé au bout de la petite ruelle avec le chauffeur. Une fois dans la voiture il me proposa d'aller un petit restaurant typiquement somalien que tenait son cousin. Je ne refusa pas sa proposition, puis le chauffeur démarra la voiture.
Lorsque nous étions arrivés au restaurant, Abdi me présenta son cousin, Ahmed. Mon guide me déclara qu'Ahmed tenait son restaurant depuis deux ans et que les plats y étaient délicieux. Son cousin nous emmena vers la table qu'il nous avait préparé. Ce restaurant était loin de ressembler à ceux que j'avais l'habitude de fréquenter, mais l'ambiance y était paisible et douce. Nous n'étions pas les seuls dans la pièce, il y avait également d'autres hommes et quelques femmes qui désiraient eux aussi se régaler chez Ahmed. Abdi nous commanda la spécialité du chef, de la viande cuite dans du riz épicé avec une banane sur le côté de l'assiette. Quelques minutes après, Ahmed arriva avec deux assiettes qu'il déposa devant mon guide et moi. Le plat était délicieux comme Abdi me l'avait affirmé avant. Nous discutions tous ensemble, Abdi, Ahmed et moi, tout le monde souriait et les heures passaient. Je demanda l'heure à Abdi et celui-ci déclara qu'il était vingt-deux heures et qu'il fallait que je rentre car le lendemain j'avais un avion à prendre. Je quittais Ahmed sur un serrement de main et le remercia pour ce dîner sympathique, puis Abdi et moi rentrions à l'hôtel.
De retour dans ma chambre, je m'asseyais sur le lit et me remémorais tous les bons moments que j'avais pu passer ici. Je souriais en me disant que monsieur Humbert ne m'avait pas menti, c'était effectivement un monde différent de l'Europe, maintenant je n'avais plus en tête l'image d'une Somalie sans avenir et dangereuse, pour moi ce pays avait un avenir mais il lui manquait juste de l'aide. Je ressentais plus intensément le désir d'écrire mon article maintenant que mon séjour prenait fin. Avant de me coucher, j'envoyais un e-mail à ma rédactrice en chef pour lui rappeler que mon retour était bien demain, et que mon article serait prêt pour le surlendemain sans faute.
Le lendemain je fus réveillé par le réveille de mon téléphone qui sonna à cinq heures du matin. Je me leva et alla me préparer. Une fois prêt j'entendis frapper à la porte, je savais que c'était Abdi, sa façon de frapper m'était devenue familière avec le temps. J'ouvris la porte, il me demanda si j'étais prêt, puis il ajouta que le chauffeur nous attendais. Je mis mes affaires dans mon sac a dos, puis quitta la chambre en regardant bien si je n'avais rien oublié.
Après une bonne heure de route, nous étions enfin arrivés à l'aéroport de Mogadiscio, il était six heures et demi. Mon guide, qui était devenu un bon ami m'accompagna jusqu'au hall où je devais faire contrôler mon passeport et mon billet. Avant qu'il ne me quitte je le remercia sincèrement de tout ce qu'il avait pu faire pour moi, puis je lui demanda s'il était d'accord que je le mentionne dans mon article car cela représentait un honneur pour moi. Il accepta et me serra dans ses bras tel un frère en ajoutant que j'étais quelqu'un de bien avant de me quitter.
Il était huit heures et demi, j'allais embarquer après quelques heures d'attentes. Une fois installé dans l'avion, je vis au loin "Frank" celui-ci souriait et venait vers moi. Je lui faisait par de ma surprise puis il m'expliqua qu'il devait rentrer en Italie pour des affaires, et qu'il avait trouvé ce vol a la dernière minute par chance. Nous discutions pendant que tous les passagers prenaient place, et au moment de décoller mon ami inconnu repris sa place.
Nous avions passés l'escale à Djibouti, et maintenant j'étais dans mon vol direct vers Paris. J'étais très fatigué et je m'endormis.
Lors de mon réveil, nous étions en train d’atterrir à l'aéroport de Roissy Charles De Gaules. Une fois descendu de l'avion je saluais Frank d'un signe de la main, nos routes se séparaient là, il avait une autre correspondance à faire en direction de Milan. Je pris mes bagages et monta dans un taxi en direction de mon petit appartement parisien.

Arrivé chez moi je pris une douche bien chaude, et me réchauffait un petit plat de lasagnes surgelé, puis m'installa devant ma télé. Vers vingt trois heures je l'éteignis et alla dormir car demain était proche et un long travail m'attendait. 

A la une...

 " Les pirates somaliens sont les cauchemars des bateaux occidentaux qui passent le canal de Suez en direction du Sud. Tous les médias parlent d'eux comme des personnes cruelles avec de mauvaises intentions, qui ne cherchent que de l'argent en prenant des étrangers en otage, mais la vérité est qu'ils n'ont jamais cherché à connaître la vraie motivation qui les poussent à accomplir ces actes terribles.  
Apres la chute du gouvernement somalien en 1991, les occidentaux ont profité de l'instabilité politique qu'il y avait dans ce pays afin de piller la mer somalienne de toute ses richesses qui s'élevait à 450 millions de dollars, avant d'y jeter illégalement des barils contenant des substances dangereuses comme du mercure, de l'uranium et d'autres substances chimiques. Les Somaliens sont victimes de maladies de la peaux, d'un mauvais développement de l'appareil uro-génital, et de cancers inexplicables depuis ce déversement de déchets toxiques. Personne ne se soucie de cette population déjà affaiblie par plus de dix ans de guerre civile. Même les communautés internationales ignorent leurs appels au secours!
Les pêcheurs, ne pouvant plus vivre de leur activité se sont convertis en pirates afin de protéger les cotes de leur nation. Ils se sont vus obliger de trouver un moyen pour se faire entendre: la piraterie.
Les Italiens trouvaient avantageux de déverser des tonnes de déchets radioactifs dans la mer somalienne pour une somme misérable, car en Europe cela leur aurait coûte des millions ; c'est ce qui poussa le consul d'Italie en Somalie, Scaglionne, à signer un accord avec l'ex-président Ali Mahdi, qui autorisait non seulement les Italiens à déverser leurs barils radioactifs sur les côtes somaliennes, mais aussi de leur fournir des armes illégalement, et tout cela par le biais de la compagnie italienne d'exportation de fruit de mer: SHIPCO. Aujourd'hui tout les complices nient les faits, un seul m'a fait part de son témoignage, mais je ne le dévoilerai pas.
La Somalie est un pays qui a un grand avenir devant lui, tout ce dont il a besoin est de l'aide. Malgré tout ce que cette population subissait, tous continuaient de sourire et de passer du bon temps entre famille et amis sur leur terre mère. Tous aiment leur patrie, jusqu'au point de se battre pour elle, et même d'être parfois condamnes. Abdi, mon guide durant mon séjour qui est devenu un très bon ami, me montrait qu'il avait encore une lueur d'espoir pour son pays, tandis que ceux qui soufraient le plus comme ces femmes, ces enfants victimes de ce trafic, et le docteur Ali Warsame que j'ai rencontre a l'hôpital de Mogadiscio ne comptaient plus que sur Dieu pour leur venir en aide. Des innocents portent les séquelles d'un trafic honteux! Ils subissent toutes ces atrocités pour de l'argent. Voilà à quel point l'homme est égoïste, il ne pense qu'à son propre intérêt et se fiche de celui des autres.
Moi, je crois en la Somalie, allez y faire un tour et vous comprendrez..."


-Isaack Dei Rossi, Le Monde, 2012

Sitographie

Carte du trajet (modifié sur paint) : www.worldafricabusiness.com/image/carte_afrique.jpg
Scan accord Somalie-Italie : http://www.somalitalk.com/sun/warqad.html
Ilaria Alpi en Somalie : http://dormirajamais.org/somalie/