"Frank" l'inconnu

 Il se faisait tard et je m’apprêtais à dormir lorsque soudainement mon téléphone sonna. C’était Abdi, il me disait qu’un soit disant « Frank » souhaitait me voir demain à quinze heures au café Assamo car il avait ce que je cherchais. L’homme n’en avait pas dit plus sur son identité à mon guide. J’acceptais son rendez-vous, je n’avais rien à perdre et je prendrais en note ce qu’il déclarerai si cela m’aidait à avancer.
Le lendemain matin j’étais prêt pour ma rencontre avec « Frank ». Abdi était avec moi ce matin-là, et il paraissait inquiet. Il me demanda de faire attention à moi, cet inconnu pouvait être dangereux, et il ajouta qu’il sera dans le pick-up avec le chauffeur pas très loin du lieu de rendez-vous, et je fus un peu plus rassuré.
Il était presque l’heure de mon rendez-vous, Abdi et le chauffeur me déposèrent au café. Le café Assamo se trouvait dans une ruelle vide, il y avait quelques vieux hommes installés en train de discuter et de boire une tasse de thé ou de café. Dès mon entrée dans le café, un homme assis seul à une table se leva, je compris alors que c’était « Frank ». J’allais vers lui et lui serra la main avant de nous asseoir. Une fois que nous étions assis il aborda directement le sujet de mon article. Il m’expliqua qu’il en avait entendu parler et qu’il pensait détenir des informations qui pourraient m’être importantes, avant d’ajouter qu’il avait peu de temps et qu’il se dépêcherait.
Accord signé entre Scaglionni et Ali Mahdi
« Frank » déclara qu’il travaillait pour la compagnie italienne SHIPCO il y a maintenant plusieurs années. Premièrement il confirma l’existence d’un accord signé entre l’ex-président somalien et le consul d’Italie en Somalie, permettant à l’Italie de déverser des substances toxiques sur les côtes Somaliennes en échanges d’armes. Deuxièmement  il me dit que la nature de ces déchets était diverse, on y trouvait des résidus radioactifs, d’uranium, de mercure, de plomb, mais aussi des métaux lourds comme le cadmium, ainsi que des déchets industriels, hospitaliers et chimiques. Il m’exposait également les différents symptômes dont étaient victimes les Somaliens : hémorragies abdominales et buccales, infections de la peau, et des cancers inexplicables. « Frank » ajouta que les Italiens ne se souciaient pas de la vie de la population somalienne, pour eux ce qui comptait le plus était de se débarrasser de ces déchets qui encombraient leur pays. Ce trafic de déchets toxique reste un scandale silencieux entre la Somalie et l’Italie. Il ajouta qu’aujourd’hui la plupart des complices niaient les faits. Ce qui me surprenait le plus était quand il me parlait de la Convention Bâle datant de 1992 qui disait que le commerce de résidus entre les pays signataires de l’accord, de même qu’aux pays qui n’ont pas signé le document, à moins d’un accord bilatéral négocié. L’accord interdisait aussi l’envoi de résidus dangereux dans les zones de guerre. L’inconnu affirma que l’ONU a trahi ses propres principes, et que l’organisation a fait la sourde d’oreille aux demandes somaliennes.  Il me parlait également le trafic de marchandises marines, plus de huit cent bateaux opéraient dans les eaux somaliennes, tirant profit de l’incapacité dans laquelle se trouvait le pays à surveiller ses eaux et ses zones de pêche. Tous ces vols s’élevaient à la somme de 450 millions de dollars, ce qui est un chiffre non négligeable.

Soudainement « Frank » se leva, il était temps pour lui de partir. Il me demanda si je connaissais Ilaria Alpi, puis je lui répondis que non, ensuite il ajouta qu’elle fut assassinée en Somalie car comme moi, elle mettait son nez dans des affaires dangereuses. C’est sur ces mots que l’homme me quitta.

Ilaria Alpi en Somalie

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